Comment rédiger un brevet sans se mettre en danger ?

janvier 9th, 2015
Comment rédiger un brevet sans se mettre en danger ?

Une difficulté majeure rencontrée par les inventeurs est de définir et de rédiger les revendications lors d’une demande de brevet. En effet, la plupart des inventeurs réussissent parfaitement à décrire leur produit tel qu’il est, mais pas tel qu’il pourrait être.

Arrêtez-vous et réfléchissez aux différentes façons de fabriquer ou d’utiliser votre invention en sortant des sentiers battus, même si vous pensez qu’elles sont de qualité / utilité inférieure. Ne pas réussir à repérer et à rédiger ces alternatives de façon exhaustive amenuiserait non seulement la valeur de votre brevet, mais également sa protection en cas de procédure d’infraction. Cela peut paraître anodin, mais l’histoire a prouvé combien la qualité, l’anticipation et l’étendue des revendications sont cruciales. En 2006, une petite société d’avocats ayant pour principal actif un portefeuille de brevets a obtenu 600 M$ de RIM, le fabricant des téléphones BlackBerry, sur la base d’une poignée de brevets à la validité incertaine. Cela a généré des critiques contre une utilisation des brevets qui décourage les sociétés innovantes en exigeant une rançon de celles qui réussissent le mieux.

Ainsi, si vous avez inventé un produit de grande importance (technique, technologique, écologique, au fort potentiel commercial), il y a manifestement de fortes chances que des individus ou des industriels essaient de profiter de l’opportunité que vous avez créée ou des revendications que vous pourriez négliger. Si vous éludez ce travail de recherche et d’approfondissement des revendications, vous permettez ainsi à d’autres de profiter indirectement de votre invention ou d’un procédé similaire non couvert par le champ de vos revendications. Alors, comment rédiger un brevet sans se mettre en danger ?

Avant de finaliser votre dépôt de brevet, ou si vous faites appel à un Conseil en Propriété Industrielle ou à un Agent de Brevet – avant de finaliser les informations que vous lui fournirez, revenez sur ce que vous avez écrit et demandez-vous si les termes que vous utilisez ont un sens particulier. Pour chaque terme, assurez-vous qu’il ait un sens généralement compris par les professionnels du domaine concerné. Si ce n’est pas le cas, il est absolument essentiel que vous le changiez, afin qu’il signifie précisément ce que les autres penseront qu’il signifie. Ne soyez pas créatif à ce stade. Bien que les lois encadrant la propriété intellectuelle disposent qu’un breveté peut être son propre lexicographe, il est important d’en mesurer les conséquences – sans omettre que, si vous utilisez le terme « véhicule » pour désigner une voiture, une trottinette, une locomotive, mais aussi un bateau ou un avion sont autant de véhicules. Préciser les termes permet également d’échapper aux objections de nouveauté émises ultérieurement par les examinateurs de brevet.

De facto, si des industriels comprennent un terme d’une certaine façon, le tribunal l‘utilisera pour interpréter la portée et les limites de votre brevet. En cas de doute, il est toujours utile d’expliquer votre invention par des dessins techniques, illustrations, croquis, descriptions, plutôt que de miser simplement sur le sens d’un terme qui vous est propre et pourrait être ou ne pas être compris par l’industrie. Les caractéristiques que vous créez et déposez en finalité est le glossaire de votre invention ayant pour objectif de la décrire en définissant tout terme ou concept de façon à ce que tous les comprennent sans conteste, ni ambiguïté.

Il est également crucial de relire ce que vous avez écrit pour s’assurer que votre description soit complète, c’est-à-dire décrite de façon spécifique, objective et exhaustive. Certes, l’invention doit être susceptible d’application industrielle, c’est-à-dire qu’elle doit pouvoir être fabriquée ou utilisée quel que soit le type d’industrie ; mais il est à rappeler que votre brevet ne sera accordé que si vous expliquez en détails comment fabriquer et utiliser votre invention. Le but de cette exigence est de permettre à quiconque de reproduire l’invention une fois votre brevet expiré, sans avoir à obtenir plus d’informations de votre part. Ainsi, assurez-vous de divulguer dans votre dépôt de brevet tous les détails de votre invention, comment l’ensemble de ses éléments se connectent et fonctionnent, en décrivant leurs corrélations avec autant de précisions que possible.

Faire appel à des professionnels pour réaliser les dessins techniques à joindre au dépôt de brevet est le meilleur moyen de vous assurer de produire une description suffisamment détaillée et exhaustive, précisant les diverses variantes et alternatives à votre invention. Mieux vaut trop que pas assez. Ceci est valable dans la mesure où les dessins seront examinés et vecteurs de propriété intellectuelle au même titre que les revendications.

Tout dépôt de brevet (hors composants chimiques) requiert au minimum un dessin technique démontrant toutes les caractéristiques de l’invention telles que décrites dans les revendications. Afin de tirer plein avantage de la date de dépôt, une demande de brevet doit couvrir l’invention et ses alternatives de façon complète et au moment du dépôt ; les dessins techniques représentent des filets de sécurité si vous en possédez assez et qu’ils sont bien détaillés.

Si vous omettez certaines revendications, les dessins techniques que vous aurez fournis pourraient ultérieurement sauver votre brevet, à condition qu’ils soient suffisamment détaillés pour transmettre des informations nuancées sur votre invention, d’où la nécessité de fournir des dessins techniques de haute qualité et réalisés par des professionnels, plutôt que de joindre des croquis d’amateurs à votre demande. Dans la majorité des cas, l’INPI acceptera ces derniers, mais étant donné le faible coût de dessins techniques professionnels et détaillés, les éluder vous mettrait inutilement en danger.

Enfin, davantage de dessins techniques impliquent et génèrent naturellement davantage de description textuelle, ce qui vous amène à considérer des caractéristiques, matériaux, techniques, technologies alternatives que vous auriez autrement exceptées. L’apport de professionnels pour réaliser vos dessins techniques est donc créateur de propriété intellectuelle, en sus d’être davantage « vendeur » pour vos futures entreprises, que vous choisissiez de concéder une licence, de vendre votre brevet ou de démarrer votre propre activité.

par Aline Kerneïs
Experte en Innovation Produit et Stratégie Go-to-Market